Le design est associé à tort au monde de l’art. Si la dimension créative des projets des designers est indéniable, on trouve des designers de tous horizons, et ce qui fait le point commun le plus marqué de leurs approches est qu’elles sont toujours centrées utilisateurs. Le design Thinking, autrement dit : “l’état d’esprit design” est une méthode de travail qui consiste à approcher les projets à la manière des designers, c’est-à-dire : en plaçant l’humain, ses besoins, ses envies et ses problèmes au centre des recherches de solutions innovantes.
Ainsi, on ne le répétera jamais assez, le Design Thinking n’est vraiment ce qu’il est que lorsque l’homme est au cœur des préoccupations, et quoi de plus préoccupant qu’une crise sanitaire mondiale … ?
Depuis mars 2020, nous avons pris la mesure de l’épidémie du Covid-19. De cette épreuve est née une solidarité de tout les corps de métier. Confinés ou sur les champs de bataille, cerveaux et petites mains se sont mis à l’œuvre pour aider, chacun à son niveau à améliorer la situation. Et le monde du design n’a pas été en reste. Fort d’une compétence indéniable dans ce genre de situation : l’empathie, les designers ont su réagir rapidement et proposer une offre de biens et services toujours plus innovante, ingénieuse et pertinente pour soulager de nombreux corps de métier.
Voici comment, le Design Thinking a su accompagner la réalisation de plusieurs projets du milieu médical, à l’heure ou la crise sanitaire battait son plein.
Design for health : quand le design s’invite dans le milieu médical
Le premier vent de panique s’est fait sentir lorsque la pénurie de place dans les hôpitaux et d’équipement de protection est devenue une affaire publique. Dès lors, un mouvement de solidarité a happé la France qui s’est découvert une passion pour la couture et le fait maison.
Fort de ces observations, les designers ont rapidement appliqués à la lettre la méthodologie du Design Thinking pour concevoir des solutions à la fois désirables, faisables, et rentables.
Rappelons les 5 étapes par lesquelles il est convenu d’amener à terme un projet de Design Thinking :
1 – L’empathie > observer et comprendre les utilisateurs pour identifier les besoins
2 – Définition > définir et cadrer clairement le problème à résoudre
3 – Idéation > idéer sans limite puis les faire atterrir jusqu’à toucher du doigt une solution finale
4 – Prototypage > rendre tangible cette idée pour permettre aux utilisateurs de se projeter
5 – Test > faire participer à nouveau vos utilisateurs pour qu’ils testent la solution et fasse par de leur retour
S’ensuit plusieurs rondes d’itérations jusqu’a la conception de la solution idéale
Le design pour sauver des vies
Ce fût exactement le cas pour la conception de OxyGEN, ce ventilateur d’urgence qui automatise le processus de ventilation manuelle des patients dans les situations d’urgence où le nombre de ventilateurs disponibles est insuffisant.
Tout d’abord les équipes à l’origine de Oxygen sont parti du constat simple (phase d’observation et de recherche utilisateur) : les hôpitaux débordés par la crise sanitaire, qui manque de moyen pour sauver les patients en détresse respiratoire. Ils ont ensuite défini le problème et le champs d’action (phase de définition et de problématisation) : le manque cruel de main d’oeuvre et de matériel dans le service des urgences respiratoires. La phase d’idéation fût alimenté par des milliers de personnes et d’organisations dans le monde entier qui ont su diverger suffisamment pour faire atterrir la solution vers des premiers prototypes testables (phase de prototypage)
OxyGEN à ensuite reçu l’approbation de l’AEMPS (Agence espagnole des médicaments et des produits de santé) pour commencer son utilisation sur les patients dans tous les hôpitaux qui adhèrent à l’étude clinique. (phase de test)
Ainsi, la vision portée par le Design Thinking est de diffuser des pratiques qui contribueront, par les innovations qu’il fait naitre, à rendre le monde meilleur et à soulager les maux des utilisateurs. L’OxyGEN a été conçu pour être produit massivement à l’échelle industrielle. Il n’utilise que des pièces disponibles sur le marché et son design est très simple et minimal.
Ainsi, Tout le monde peut télécharger gratuitement les schémas et la documentation pour construire OxyGEN sur leur site internet.
Le design pour protéger nos soignants
Le pendant de l’insuffisance respiratoire engendré par le COVID-19 résulte malheureusement parfois en la nécessité d’une intubation endotrachéale. Un anesthésiste au Mennonite Christian Hospital de Hua Lian, à Taïwan s’est intéressé à la situation dans l’espoir de proposer une solution pour soulager le corps médical. Dans cette situation à nouveau, le Dr Hsien Yung Lai à méticuleusement appliqué les 5 étapes du Design Thinking pour proposer une réponse pertinente.
Il est donc passé par une phase d’empathie, par laquelle immergé dans le milieu médical en pleine crise sanitaire, il a pu observer et recueillir des témoignages. L’une des observations marquantes qui en est ressortie était la suivante : En raison du nombre croissant de patients infectés dans cette pandémie, il y a une pénurie de PAPR (respirateurs à purification d’air motorisés) dans le monde entier. De nombreux prestataires de soins ne portent que des écrans faciaux et des masques N95. Dans certains hôpitaux qui n’ont plus de masques N95, certains prestataires réutilisent les masques N95 ou portent des masques chirurgicaux.
À l’issue de cette phase de recherche utilisateurs, il a décidé de cadrer la problématique autour de la protection des soignants pendant la pratique de l’intubation. En effet, le COVID-19 se transmet par gouttelettes et aérosol, les professionnels de santé qui intubent ces patients courent un risque élevé de contracter ce virus mortel pendant le processus d’intubation.
Les réflexions du Dr Hsien Yung Lai, et de ses collaborateurs les ont amenés à concevoir une boîte à aérosol qui protège le visage du prestataire de soins des voies respiratoires du patient, tout en lui permettant de bouger librement les bras pour effectuer toutes les tâches nécessaires pendant l’intubation endotrachéale.
Le prototypage de cette idée fût rapidement réalisé et testé car elle ne nécessitait que très peu de moyens. La boîte peut être fabriquée à bas prix en utilisant de l’acrylique ou une feuille de polycarbonate transparente, pour un coût d’environ 67 dollars US (2 035 dollars NT) par unité.
Lors de la phase de test ils se sont rendu compte de la nécessité de proposer un produit irréprochable sur deux aspects : la praticité et l’hygiène. : Ainsi, ils ont fait en sortir de créer une boite qui puisse être nettoyée à fond avec de l’alcool à 70 % ou de l’eau de javel après chaque utilisation puis être réutilisée pour le patient suivant.
Le Design Thinking à ainsi permis à ce médecin de déployer une solution pertinente pour les besoins brûlant des urgentistes. Il espère que son invention contribuera à protéger les milliers de prestataires de soins de santé du monde entier qui s’occupent de patients infectés par le COVID-19 dans cette crise sans précédent.
Le design pour trouver une solution à la pénurie de respirateurs
Vous n’êtes certainement pas passés à côté de ce masque de plongée révolutionnaire pour tous les adeptes de snorkelling. Pendant le confinement, cet objet fût détourné pour qu’il puisse venir en aide aux malades du covid-19 atteint d’insuffisance respiratoire. L’histoire de cette solution innovante est directement issue de la mise en place d’une démarche de design thinking. La voici :
L’histoire commence avec un ancien médecin-chef de l’hôpital Gardone Valtrompia, le Dr Renato Favero. Conscient de la crise sanitaire qui fait rage dans le monde, il est passé par une phase d’observation et a constaté la pénurie de masques C-PAP hospitaliers. Il a donc cadrer le problème autour des masques respiratoires pour la thérapie sous-intensive.
Lors de sa phase d’idéation, il a longuement réfléchis à la manière dont il serait possible de remédier à cette pénurie. L’idée suivant lui est finalement apparue : construire un masque respiratoire d’urgence, à l’aide d’un masque de plongée déjà disponible sur le marché.
Maintenant que l’idée était couchée et dessinée sur le papier, il fallait trouver un moyen de le prototyper. C’est alors que le docteur a pris contact avec Isinnova, par l’intermédiaire d’un médecin de l’hôpital Chiari, l’établissement de santé pour lequel Isinnova fabrique des valves d’urgence avec un procédé d’impression en 3D.
Rapidement, ils ont contactés Decathlon, les inventeurs, producteurs et fournisseurs du masque de plongée Easybreath. L’entreprise a immédiatement accepté de coopérer en fournissant le dessin CAO du masque identifié. Pour initié la phase de prototypage, le produit a été démonté, étudié, et les modifications à apporter ont été évaluées. Un nouveau composant a ensuite été conçu pour garantir la connexion au ventilateur. La valve de liaison qu’ils ont appelée “Charlotte”, fût ainsi facilement imprimée en utilisant l’impression 3D.
Enfin, l’ensemble du prototype a été testé sur plusieurs de leurs collègues directement à l’intérieur de l’hôpital Chiari, connecté au corps du ventilateur, et s’est avéré fonctionner correctement. L’hôpital lui-même était enthousiaste à l’idée et a décidé de tester l’appareil sur un patient dans le besoin. Le test a été couronné de succès.
Finalement, l’efficacité du projet fût avérée et la valve de liaison “charlotte” fût breveté. Brevet, bien évidemment libre d’utilisation car le dossier pour la réalisation du lien en impression 3d est disponible gratuitement sur le site de Issinova.
La crise du Covid-19, en faisant exploser au visage du monde la nécessité urgente de trouver des solutions à des problèmes centrés utilisateurs, a révélé le potentiel d’une approche en étape. Ainsi, les résultats de ces projets en disent long sur l’importance du processus. Il apparait alors qu’une équipe bien construite et un bon état d’esprit sont les ingrédients principaux à intégrer lorsque l’on souhaite innover pour l’homme et le monde dans lequel il évolue. Pour découvrir des réalisations issues du Design Thinking en temps de crise mais dans d’autres secteurs d’activité, n’hésitez pas à consulter nos articles suivants.